La proposition des « Sensibles » s’est adaptée aux envies des participantes et à celle des multiples transformations des dispositions sanitaires. C’est à un lieu particulier que les premières sensibles se sont liées. Il s’agit, pour elles – puisqu’à ce jour, seules des femmes ont participé -, de rendre compte de leur regard sur le lieu ou ce que nous y faisons lorsque nous y sommes. La liberté est totale quant au sujet, à l’ampleur de l’investissement et à la forme du témoignage.
Photographe amatrice, Annie Lamiral est passionnée d’architecture contemporaine. Lorsqu’elle a découvert la proposition faite dans le cadre de Se mettre au vert, elle s’est immédiatement manifestée. Son intérêt allait tout particulièrement à la Maison Louis Carré – Alvar Aalto qu’elle connaissait déjà et adore. Notre projet lui a donné l’occasion d’y porter un regard renouvelé et d’échanger avec nous sur nos pistes de création pour le lieu. Elle rassemble ses souvenirs anciens et sa visite récente pour rendre compte de son exploration en un début d’abécédaire sensible.
A comme Alvar, comme Aalto.
C’est qui ? Un architecte finlandais (1898-1976) dont la Maison Carré est la seule réalisation en France. Mais il était aussi un designer, notamment connu pour son sublime vase à vagues. A ce propos, Christine m’apprend que « aalto » signifie « vague » en finnois !
A comme accro, comme architecture, comme apnée
Avant de vous raconter ma visite, il me faut d’abord vous avouer… que je suis accro d’architecture moderne, de photos et de mots. Dès mon arrivée, face au portail géométrique flanqué d’un lampadaire en cuivre, je sens déjà une poussée d’adrénaline ! Je retiens mon souffle en montant le chemin. Au détour du virage, je découvre que le petit bois s’ouvre sur une vaste prairie où trône sur sa butte, majestueusement, LA pépite : la Maison Louis Carré intégralement conçue par Alvar Aalto !

B comme Bazoches-sur-Guyonne, comme bijou de briques et de bois
A une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Paris, se cache à l’abri des regards, la maison Louis Carré, une bâtisse aux murs de parpaings habillés de briques blanchies à la chaux. Elle est surprenante par sa taille : paraissant si petite de l’extérieur, elle est pourtant si spacieuse à l’intérieur ! Six chambres avec salles de bain ou pièce d’eau, cuisine intégrée, sauna, tout le confort moderne pour cette maison construite en… 1958 !
B comme bluffée, comme beauté et comme bonheur
La porte d’entrée à peine franchie, je suis saisie, bluffée par la simplicité du lieu. Ni dorure, ni clinquant, ni fioriture. Le décor est sobre et élégant. L’ambiance à la fois apaisante et des plus chaleureuses. Les murs sont vastes et blancs, prêts à accueillir de nouvelles toiles. Frêne, chêne, hêtre, bouleau, pin sont omniprésents sur les portes, les claustras, les meubles jusqu’au vertigineux plafond du hall d’entrée en forme de vague.



C comme Louis Carré
C’est Louis Carré (1897-1977), ancien avocat au barreau de Rennes, devenu, dans les années 30, marchand d’art et collectionneur qui fait construire cette villa comme lieu de repos en famille mais aussi lieu d’expositions d’œuvres d’art contemporain. Il choisit cette campagne d’Ile-de-France pour se mettre au vert, suite à des séjours chez son ami Jean Monnet, l’un des fondateurs de l’Union Européenne, dont la demeure est de l’autre côté du chemin (et fait aussi partie du projet). Habitant alors chez Le Corbusier rue Nungesser et Coli, il sait qu’il ne veut pas être entouré de béton. Sur les conseils d’Alexander Chalder, il contacte Alvar Aalto pour avoir une résidence d’inspiration nordique.
C comme concentrée
Tout au long de ma visite, je suis concentrée sur mes photos. Je veux voir au-delà du simple regard. Avant d’appuyer sur le déclencheur, je réfléchis chaque cadrage, chaque plan, chaque angle, je recherche la meilleure ligne ou la meilleure courbe à mes yeux. Je poursuis chaque ombre. Je ne veux surtout pas dénaturer l’œuvre mais, au contraire, je nourris le profond désir de la sublimer.

D comme détails
Et si l’architecte était là, dans la pièce d’à côté ? J’aimerais tant lui parler, l’écouter, m’assurer qu’aucun détail ne m’a échappé et qu’il n’est pas déçu par la vision que je donne de sa création.

E comme esthétique, E comme émotions et comme éblouie
Je suis envahie par les émotions. Le réel et l’imaginaire se mélangent, l’extérieur et l’intérieur ont fusionné, le fonctionnel et l’esthétique se sont rencontrés. Je vis une expérience à la fois troublante et réjouissante. Je suis conquise.
Les artistes mènent leurs recherches. Je les vois essayer des sons, des dispositions, des trajets, des idées. Sensible aux mots, j’écoute avec curiosité les premiers textes que Christine propose. Je suis d’accord avec elle qu’ils doivent être ciselés, élégants, minimaux… un vrai défi que de cohabiter avec le design d’Alvar Aalto !
F comme Finlande… et comme fin
J’ai fait le plein d’images et de sensations, j’en suis rassasiée. Avec la hâte de voir toutes ces photos que j’ai prises, je redescends l’allée jusqu’au portail qui se referme sur moi. Ma parenthèse finlandaise se termine. Je pars, comblée, joyeuse, radieuse. Curieuse aussi de la création que l’équipe va proposer en ce site… Je sais déjà que je reviendrai !

Toutes les photos de cet article sont de Annie Lamiral. Elle précise : « IPhone XS – Aucun editing – 100% produit naturel » !
>> Pour découvrir son travail d’amatrice passionnée, c’est aux bons soins d’Instagram : @annyelleparis pour l’architecture contemporaine et @annydifferently pour les géométries, matières et textures.
Grand merci à elle pour ce témoignage riche, sensible et élégant ; il nous a emportés.